Berugeru: Over The Mountains

        Berugeru est un projet qui a maintenant plus de deux ans. Il y aurait beaucoup de termes pour le définir brièvement, comme un clicker, une cinématique ou une simulation... Mais d'un point de vue personnel, je l'ai vu davantage comme une recherche.

        Au départ, l'idée était venue d'un ami pendant le confinement. Il avait dessiné un burger en pixel-art sur Photoshop et me l'avait partagé. Il m'a ensuite décrit une image qu'il avait en tête, par rapport à ce même burger. Il voulait reproduire un visuel inspiré des publicités MacDonald, le genre de publicité où, sur un fond noir, les ingrédients du burger filmés en gros plan tombent un à un au ralenti, en laissant jaillir des éclats de gras et de fraîcheur, avec le doux bruit de la nourriture qui nous flatte les oreilles. Je lui ai répondu qu'avec les moyens du bord, c'était possible.

        C'est ainsi qu'est né le jeu Berugeru, que nous avons réussi à faire en quelques jours. Un jeu sans objectif et absurde, sans prétention, mais que nous avons aimé faire et partager. En soi, il n'avait pas de suite.

        Puis un an plus tard nous en reparlons. Le hasard voulait que nous mangions un burger en même temps. Cette simple conversation, qui a dû durer quatre minutes tout au plus, m'a étrangement donné envie de me repencher sur le projet, pour qu'il devienne plus "grand".

        Aujourd'hui je ne saurais réellement résumer ce projet avec précision, tant je suis passé par différentes phases de réflexion. Il est fort possible qu'à l'avenir, mon regard change encore. Aussi improbable soit le concept, ce burger m'a apprit beaucoup de choses, en particulier sur comment je perçois le média du jeu vidéo et aussi, sur ce que j'aime y retrouver quand je les explore.

       Si le résultat donne ce qu'il est aujourd'hui, c'est parce que ce projet a été totalement improvisé, autant lors de son lancement que pendant sa production. Les montagnes de burgers, le trou noir, le chapeau, puis le doigt et les deux choix possibles, la représentation des fins, et tant de détails encore, n'ont été que des idées qui sont venues les unes à la suite des autres, au fur et à mesure que je rajoutais des fonctionnalités au programme. 

       Certains diraient, à raison, que c'est sûrement la pire méthode à adopter pour créer un jeu. Mais cette vision de burger cosmique ne me serait jamais venue à l'esprit si je n'avais pas accordé du temps à mes idées pour qu'elles mûrissent. Ce temps, à analyser ce que j'étais en train de créer, m'a à chaque fois permis d'imaginer la suite, et aussi, m'a permit de réfléchir à pourquoi j'étais en train de faire tout ça.

        Plus je développais ce projet, et plus je trouvais dans Berugeru des parallèles avec des propos, des aspirations personnelles qui me tenaient à cœur. La plus significative je dirais, serait l'idée selon laquelle nous n'aurions pas nécessairement besoin de comprendre ce qui nous pousse à faire quelque chose, le plus important étant de le faire.

        Ce "presque-jeu", comme j'aime bien l'appeler, n'est qu'un amoncellement d'idées sans vraiment de lien entre elles, dont chacune n'a été pensée qu'à partir de la précédente. En soi, je comprenais que très peu de ce que j'étais en train de faire, pourtant je le faisais. Souvent, je repensais à ce fameux adage qui dicte qu'une œuvre n'est jamais finie. Je n'arrêtais jamais de vouloir y rajouter de nouveaux éléments, car j'avais encore à raconter. Et bien que l'idée de produire une quantité d'efforts démesurée pour seulement dix minutes de jeu me faisait rire, j'avais la sensation que tout arrêter aurait été du gâchis. Ce projet fini, même s'il ne mène à rien, m'a permis et me permettra de découvrir des choses dont j'ignore jusqu'ici tout à fait l'existence. Ce bénéfice si précieux des initiatives et des idées, donne toujours envie d'en trouver d'autres, puis d'autres, et encore.

        J'ai fini par comprendre qu'au travers de toutes ces images, Berugeru racontait sa propre construction.

        Au dénouement de ce projet, j'ai eu ce vide implacable que l'on ressent après avoir accompli quelque chose qui a duré longtemps, ce mélange de soulagement et de rechute, qui survient lorsque d'un coup, la destination est atteinte. Passer à autre chose nous paraît difficile. Mais les souvenirs persistent et nous font avancer.

         Berugeru is a project that is now over two years old. There would be a lot of terms to define it briefly, like a clicker, a cinematic or a simulation... But from a personal point of view, I've seen it more like a search.

         Initially, the idea came from a friend during the lockdown. He had drawn a pixel-art hamburger on Photoshop and shared it with me. He then described me an image he had in mind, in relation to this same hamburger. He wanted to reproduce a visual inspired by MacDonald advertasings, the kind of advertasing where, on a black background, the ingredients of the hamburger filmed in close-up fall one by one in slow motion, letting bursts of fat and freshness gush out, with the sweet noise of food that flatters our ears. I told him that with the means at hand, it was possible.

         This is how the Berugeru game was born, we managed to make it in a few days. A goalless and absurd game, unpretentious, but that we enjoyed making and sharing. In itself, it had no sequel.


         Then a year later we talk about it again. The chance wanted us to eat a hamburger at the same time. This simple conversation, which must have lasted four minutes at most, strangely made me want to look back on the project, so that it becomes "bigger".


        Today I wouldn't really know summing up this project precisely, as I have gone through so much different phases of reflection. It is quite possible that in the future, my outlook will change again. As unlikely as the concept is, this hamburger taught me a lot of things, especially about how I perceive the video game medium and also, about what I like to find when I explore them.

         If the result gives what it is today, it is because this project was totally improvised, both during its launch and during its production. The mountains of hamburgers, the black hole, the top bread, then the finger and the two possible choices, the representation of the endings, and so many details still, were only ideas that came one after the other, as I added features to the program.

         Some would say, rightly, that this is probably the worst method to adopt to create a game. But this vision of cosmic hamburger would never have came to my mind if I had not given enough time to my ideas for they mature. This time, to analyze what I was creating, everytime enabled me to imagine what is next, and also, enabled me to reflect on why I was doing all of that.


         The more I've developed this project, the more I've found in Berugeru parallels with personal aspirations that were close to my heart. The most significant, I would say, would be the idea that we don't necessarily need to understand what drives us to do something, the most important thing is to do it.

         This "almost-game", as I like to call it, is just a buildup of ideas with no real link between them, each of which was only thought from the previous one. As such, I understood very little of what I was doing, yet I was doing it. Often, I thought back to this famous adage which dictates that a work is never finished. I never stopped wanting to add new elements, because I still had to tell. And even though the idea of putting in an inordinate amount of effort for only ten minutes of play made me laugh, I had the feeling that stopping everything would be a waste. This finished project, even if it does not lead to anything, allowed me and will allow me to discover things of which until now I was completely unaware of the existence. This so precious profit of initiatives and ideas always makes you want to find others, then others, and again.


           I ended up understanding that through all these images, Berugeru was telling his own construction.


         At the end of this project, I had this implacable emptiness that we feel after having accomplished something that lasted a long time, this mix of relief and relapse, which occurs when suddenly, the destination is reached. Moving on seems difficult. But the memories persist and carry us forward.